A conversation with Sarah Bussy

Sarah Bussy is a writer, a director, a creativity writing and oral communication teacher.  She initiated the first contact with Lebanon thanks to Carol Mezher of FFFMED (a residency for female scriptwriters from the Mediterranean area).Then  facilitated the English writing workshops, wrote a few texts, translated from French to English, and revised the English translations. she will also work on the composition and editing of the play and the staging of the France based performance. In short, Sarah is involved at all stages of the project! She shares her experience of the writing and translation phases of the 99 LIVE LEBANON project.

Sarah est écrivain, metteur en scène, enseignante en écriture créative et communication orale.  Elle a été à l’origine du premier contact avec le Liban grâce à Carol Mezher de FFFMED (une résidence pour femmes scénaristes de la région méditerranéenne), puis a animé les ateliers d’écriture en anglais. Elle a écrit certains textes, traduit du français vers l’anglais et révisé les traductions en anglais. Elle travaillera également sur la composition de la pièce et sa mise en scène en France. Bref, elle intervient à toutes les étapes du projet ! Elle revient sur les phases d’écriture et de traduction des textes de la pièce 99 LIVE LEBANON.

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Testimonies would make us think, leave a mark on us, and then we would write with those marks

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Ces témoignages nous font réfléchir, nous marquent et on écrit à partir de ces marques.

As a writer yourself and facilitator or the writing workshops in English, can you tell us more about the experience and the dynamics of collaborative writing in the 99 project? Does it bring something different to write together inspired by real life stories?

Of course, it brings something different. First, in a workshop, you have limited and short writing times so concentration is different. Everyone inspires the others but at the same time after one or two sessions only you really identify styles. All characters and personalities express in their own ways. Another thing is that, since we write independent monologues inspired by the video portraits of Zyara Webseries, you are very free. You write without a goal, without trying to make your text consistent with a broader story or what… You just write what comes then, on the spot, with your own subjectivity and sincerity. Very very different from writing a novel or a play by oneself, having to remember, anticipate etc…Since we started from real stories, testimonies, we are moved and truly touched by them.. They would make us think, leave a mark on us, and then we would write with those marks.  It has nothing to do with total invention. And this shared emotion contributed to gathering people, to creating a group (even remotely) and a particular link between us.

En tant qu’écrivain et animatrice des ateliers d’écriture en anglais, peux-tu nous en dire plus sur l’expérience et la dynamique de l’écriture collaborative dans le projet 99 ? Cela apporte-t-il quelque chose de différent d’écrire ensemble à partir de récits de vie ?

Bien sûr, c’est différent. D’abord, en atelier, les temps d’écriture sont limités, la concentration demandée est très différente. Ensuite, tout le monde s’inspire des autres mais après une ou deux séances, on sait très bien qui a écrit quoi. Les personnages et les personnalités s’expriment d’une manière identifiable. Enfin, comme nous écrivons des fragments inspirés par les portraits de la Webserie Zyara, nous sommes très libres. Nous écrivons sans attendu, sans essayer de mettre le texte en cohérence avec un récit plus vaste… Nous écrivons simplement ce qui vient à ce moment-là, avec notre subjectivité et sincérité. C’est très différent de l’écriture d’un roman ou d’une pièce de théâtre en solo, où on doit se souvenir, anticiper etc. Comme nous partons de témoignages vécus, nous sommes émus et touchés par ce récits et en discutons entre nous. Souvent, un débat naît et les discussions nous amènent à des thèmes plus vastes Ces histoires nous font réfléchir, nous marquent et nous écrivons à partir de ces marques. On n’est pas dans l’invention totale. Pour finir, l’émotion partagée nous rassemble et créé même à distance un lien particulier entre les membres du groupe.

Can you share a monologue from the 99 LIVE PROJECT that was particularly interesting?

There are so many interesting ones, this one that really left a mark on me for what it says (opposite of what we are used to hearing). It’s very tragic in a way, but very true. Tragic because simply true…?

Peux-tu partager un monologue qui était particulièrement intéressant ?

Il y en beaucoup, mais celui-ci m’a vraiment marqué parce qu’il dit à l’opposé de ce que nous avons l’habitude d’entendre. C’est très tragique mais très vrai. Tragique parce que tout simplement vrai …?

«Life is not a wheel. Life unfolds unidirectional, very slowly at the beginning, very quickly after the turning point. When is the turning point? I honestly don’t know. All I know is I went from a state of «I have time» to that of «I don’t have time anymore». What have I accomplished? Did I raise my children properly? No, life is not a wheel. It is a road on a cliff that’s erased behind you as you walk. When you finally reach the sea your only option is to jump.»

“La vie n’est pas une roue. Au commencement, elle file tout droit, très lentement puis accélère après le tournant. Mais c’est quand le tournant ? A vrai dire, je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que j’ai dépassé le cap du « j’ai encore du temps » et j’en suis au stade du « je n’ai plus de temps ». Qu’est-ce que j’ai accompli ? Ai-je élevé mes enfants correctement ? Non, la vie n’est pas une roue. C’est une route côtière surplombant une falaise, une route qui s’efface derrière toi quand tu avances. Et quand tu atteins la mer, ta seule option est de sauter.”  

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In English, words are much more objective. They say what they say.

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En anglais, les mots sont beaucoup plus objectifs. Ils disent ce qu’ils disent.

You speak and write in several languages and you contributed to the translation of the monologues of the future play. What does multilingualism mean to you? How do you perceive the specific “energy” of French, English and Arabic languages in the play?

Multilingualism is wonderful. Especially here, in Lebanon, where most people actually speak those three languages. And it’s not only different languages but various cultures as well. It was very interesting for me to work in English; I can speak fluently but it is not my native language. Ma relation to French is very different for example. When I read or hear French, words immediately resonate and strike my brain in a unique way. I have read so much in French all my life, words relate directly to a writing style, to ideas, to emotions… In English, they are much more objective. They say what they say. Of course I can tell when a text is well written. But there again, I feel I’m much more objective than in French. It also makes it more difficult because I need to «think» more and less trust my feeling, as I’m tempted to do in French.  French is very literary. English has a much more «straight forward» energy. It is quite common to say that but it’s true. Many times, English texts were shorter than the other ones. Simpler. But at the same time, the English texts that were more poetic, more literary, happened to be quite difficult to translate, from what I heard. Regarding Arabic, I don’t speak a word of it (or almost) so my relation to it was very visual. Lines are skipped all the time; I felt they were all poems. Which they were probably not. But they were surely very poetic in a way, with a lot of images and metaphors.  In a word (and with a lot of caricature!) French would be narrative, English would be acted and Arabic would be in songs. I’m joking.

Tu parles et écris en plusieurs langues et tu as participé à la traduction des monologues de la future pièce. Que signifie le multilinguisme pour toi ? Comment perçois-tu «l’énergie» spécifique des langues française, anglaise et arabe dans la pièce ?

Le multilinguisme est merveilleux. Surtout ici, au Liban, où la plupart des gens parlent les trois langues que nous utilisons. Et ce ne sont pas seulement des langues différentes, mais aussi des cultures différentes. C’était très intéressant pour moi de travailler en anglais, que je parle couramment mais qui n’est pas ma langue maternelle. Ma relation avec le français est très différente. Quand je lis ou j’entends le français, les mots résonnent immédiatement et frappent mon cerveau d’une manière unique. J’ai tellement lu en français toute ma vie, les mots se rapportent directement à un style d’écriture, à des idées, à des émotions. En anglais, les mots sont beaucoup plus objectifs. Ils disent ce qu’ils disent. Bien sûr, je peux dire quand un texte est bien écrit ou pas. Mais là encore, je me sens beaucoup plus objective qu’en français. Cela rend aussi les choses plus difficiles car j’ai besoin de «penser» plus et moins faire confiance en ce que je ressens comme en français. Le français est une langue très littéraire. L’anglais a une énergie beaucoup plus directe. C’est assez banal de dire cela, mais c’est vrai. Souvent, les textes anglais sont plus courts que les autres. Plus simples aussi. Mais en même temps, les textes anglais plus poétiques, plus littéraires, s’avèrent assez difficiles à traduire, d’après ce que j’ai entendu. En ce qui concerne l’arabe, ma relation était très visuelle. Les retours à la ligne sont fréquents ; je croyais que tous les textes étaient des poèmes. Ce qui n’est pas certain. Mais ils sont sûrement très poétiques avec beaucoup d’images et de métaphores. En un mot (et au risque de la caricature) Le français c’est fait pour raconter des histoires, l’anglais pour jouer la comédie et l’arabe pour chanter des poèmes. Je plaisante.

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I definitely seek objectivity when it is possible.

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Je recherche l’objectivité quand c’est possible.

How do you translate? Do you seek objectivity or allow yourself a deliberate interpretative freedom?

I definitely seek objectivity when it is possible. I try to stick as much as possible to the original writing (story, ideas, images, style). And we can always deliberately decide to re-write it afterwards.  But in some cases, of course, some images, some expressions are very difficult to translate and then you have to interpret and decide what you will be faithful to and what you will adapt. As an example to what I just said, there was this text that was quite impossible to translate.

Comment traduis-tu ? Cherches-tu l’objectivité ou t’accordes-tu une liberté d’interprétation délibérée ?

Je recherche l’objectivité quand c’est possible. J’essaye de m’en tenir le plus possible à l’écriture originale (histoire, idées, images, style), fidèle à celui qui a été écrit en premier. Mais dans certains cas, bien sûr, certaines images, certaines expressions sont très difficiles à traduire et il faut ensuite interpréter et décider à quoi être fidèle et ce qui sera adapté.  Pour illustrer ce que je viens de dire, ce texte en français était tout à fait impossible à traduire.

En observant ma vie aujourd’hui, je vois des boîtes. Des boites remplies d’idées, de souvenirs, de rêves… J’ai l’impression que je vis ma vie en boitant.  Je vais en boîte. Je bois ma dépression goutte par goutte. J’aboie ma solitude. Je broie tout noir. Et je reviens vers toutes ces boîtes en moi, les découvrant une par une comme les poupées russes. J’emboîte tout et je répète.

It was more a re-writing than a translation. So I decided to stick to the word «box» that has many meanings in french as well as in English, but I tried to find expressions that worked in English. It was a very funny exercise. In the end, the general idea is the same but the lines themselves don’t have the same meaning at all.

 

J’ai donc décidé de m’en tenir au mot «boîte» qui a de nombreuses significations en français comme en anglais, mais j’ai essayé de trouver des expressions qui fonctionnaient en anglais. C’était un exercice très amusant. En fin de compte, l’idée générale est la même mais les lignes elles-mêmes n’ont pas du tout la même signification.

Observing my life now, I see boxes. Boxes full of ideas, memories, dreams… I feel I’m living my life boxing. I wear boxers. I drag my depression like a boxcar. My solitude is a boxwood bush. My head is boxy. And I get back to all those boxes in me, revealing them one by one like Russian dolls. I box everything and start again.

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Lebanon is a truly multilingual country and the play should be a sincere reflection of that.

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Le Liban est un pays véritablement multilingue et la pièce en sere alors le reflet sincère.

How do imagine staging a multilingual play?

We did it already in China. There are several options, do either several versions of the play, one in every language (which is not really multilingualism) or stage only one play in which actors speak in their own language, in the one they prefer. In the case of 99 Lebanon, I find the second option much more relevant and more interesting. Lebanon is a truly multilingual country and the play should be a sincere reflection of that.  Then the only constraint is a technical one: you need subtitles in the three languages!

Soon, the composition of the play 99 LIVE LEBANON will take place, based from the collection of monologues written in June and July 2020.  According to you, what could be the themes of the future play?

There will definitely be one about war and violence. It has obviously left huge marks on the country and its people. The theme of identity, and building one’s identity, with or against social and family pressure. But also with the violence some persons have been faced with when children.

What are your other projects now?

I’m working on other personal writing projects. Besides all that, I’m an oral communication and writing teacher. I’m giving classes in French schools and universities (La Sorbonne, HEC…) and developing actions with high schools and teenagers. I also usually work with companies but it has so far been highly impacted by the covid crisis.

Comment imagines-tu mettre en scène une pièce de théâtre multilingue ?

Nous l’avons déjà fait en Chine. Il y a plusieurs options, soit faire plusieurs versions de la pièce, une dans chaque langue (ce qui n’est pas vraiment le multilinguisme) ou mettre en scène une seule pièce dans laquelle les acteurs parlent dans leur propre langue, dans celle qu’ils préfèrent. Pour cette pièce, je trouve la deuxième option beaucoup plus pertinente et plus intéressante. Le Liban est un pays véritablement multilingue et la pièce en sere alors le reflet sincère. Finalement, la seule contrainte est d’ordre technique : prévoir des sous-titres en trois langues !

Bientôt aura lieu la composition de la pièce 99 LIVE LEBANON, basée sur le recueil de monologues rédigés en juin et juillet 2020. Selon toi, quels pourraient être les thèmes de la future pièce ?

La guerre et sa violence sera présente dans la pièce. Elle a évidemment laissé des traces énormes sur le pays et ses habitants. Un autre thème sera sans doute celui de l’identité et de la construction de son identité, avec ou contre la pression sociale et familiale. Mais aussi avec la violence à laquelle certaines personnes ont été confrontées lorsqu’elles étaient enfants.

Quels sont tes autres projets actuellement ?

Je travaille sur des projets d’écriture personnels. De plus, je suis professeur de communication orale et d’écriture. Je donne des cours dans des écoles et universités françaises (La Sorbonne, HEC …) et développe des actions auprès de lycées et d’adolescents.

Short biography

After graduating from HEC Paris, Sarah decided to go back to her passion for theatre, studied, and obtained a degree of dramatic art at Ecole Florent. Then she worked for many years as an actress and director (she co-founded a theater company), as well as a coach in public speaking and oral communication in companies and business schools. Meanwhile she had always been writing and published her first novel in 2019 at Editions JC Lattès. She lived in China from 2016 to 2020 where she met Geneviève Flaven and engaged in THE 99 PROJECT.

Biographie express

Diplômée d’HEC Paris, Sarah a décidé de renouer avec sa passion pour le théâtre, a étudié et obtenu un diplôme d’art dramatique à l’Ecole Florent. Puis elle a travaillé pendant de nombreuses années comme comédienne et metteur en scène (elle a cofondé une compagnie de théâtre), ainsi que comme coach en prise de parole en public et en communication orale dans des entreprises et des écoles de commerce. En parallèle, elle a toujours écrit et publié son premier roman en 2019 aux éditions JC Lattès. Elle a vécu en Chine de 2016 à 2020 où Sarah et Geneviève Flaven se sont rencontrées et elle s’est engagée dans dans l’aventure du PROJET 99.

 

Edité par G.F

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