99 Femmes Sénégal 

News janvier – février 2023

La Phase 2 (Ecriture) du projet est terminée ! 

Après avoir recueilli les témoignages de 70 entrepreneuses rurales accompagnées par Entrepreneurs du Monde au Sénégal (Phase 1), des groupes de femmes, des villes de Ziguinchor ou de Dakar ont transformé ces récits en monologues de théâtre.

Le projet 99 FEMMES SÉNÉGAL est né de la collaboration de deux associations ENTREPRENEURS DU MONDE et le PROJET 99 qui participent chacune dans un domaine différent à l’autonomisation des femmes. C’est un programme original combinant création artistique et auto-entrepreneuriat pour rendre visibles les entrepreneuses rurales accompagnées par Entrepreneurs du Monde au Sénégal.

Le projet 99 Femmes Sénégal a reçu le soutien d’Axa Sénégal et de la Fondation Anber.

Retour d’expérience

Safy Diedhiou a animé quatre ateliers d’écriture avec des jeunes femmes membres de l’université de Ziguinchor. Elle a répondu à nos questions.

Bonjour Safy, pourriez nous parler de vous ?

Je suis étudiante en droit des affaires à Ziguinchor. Mon père juriste est à l’origine de mon orientation mais ma venue à Ziguinchor a été dictée par la volonté du Sénégal de brasser et décentraliser  des étudiants de différentes régions du pays. Au départ je n’étais pas enchantée me retrouver à Ziguinchor. Mais j’y ai trouvé bon accueil et aussi une vie moins chère et des déplacements plus faciles qu’à Dakar. Mon départ vers la Casamance m’a aussi permis de me rapprocher de mes grands-parents (ma famille est de Kagnobon) et le diola, ma langue maternelle, a évidemment facilité mon intégration. J’ai de nombreux centres d’intérêt mais j’aime en particulier le taekwondo et le cinéma. Je suis présidente du club cinéma de l’université et j’organise des projections, des débats avec des réalisateurs mais aussi des petits tournages ; un film qui a beaucoup compté pour moi est Le Mandat du réalisateur sénégalais Oussemane Sembene.

Safy

Comment avez-vous connu le projet 99 FEMMES SENEGAL ? Que retirez-vous de votre expérience ?

J’ai entendu parler du projet 99 par le club cinéma. J’ai animé le groupe d’écriture et aussi écrit des monologues ; cette expérience nous a donné l’occasion de nous connaitre par l’écriture, à travailler en symbiose, dans l’amour vraiment. J’ai ainsi découvert les autres participantes de l’atelier au travers de leurs écrits et je les ai mieux comprises.  Je suis aussi très fière qu’on ait réussi toutes seules à réaliser ce travail d’écriture qu’on ne connaissait pas au départ. J’ai trouvé beau de travailler ensemble.

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Aujourd’hui, les femmes ont conscience de leur valeur et rien ne peut les arrêter. Je me reconnais en elles par la bravoure, la détermination, le travail. Comme elles, je sais pourquoi je suis là.

– Safy Diedhiou

Y-a-t-il un récit qui vous a frappé ?

Le témoignage de Rokhaya de Bignona m’a beaucoup frappé. Elle fait part de son regret d’avoir quitté l’école après être tombé enceinte à 16 ans sous la pression de son oncle. Cela m’a montré le poids très important des parents dans la destinée des filles. Je mesure en quoi les choses ont été différentes pour moi. J’ai eu la chance d’avoir un père qui m’a accompagné dans toutes mes activités. J’ai été éduquée. Je n’ai pas été forcée, j’ai pu prendre des responsabilités. Autrefois les femmes n’avaient pas le courage de braver les normes sociales. Aujourd’hui, cela a changé : les femmes ont conscience de leur valeur et rien ne peut les arrêter. Je me reconnais en elles par la bravoure, la détermination, le travail. Comme elles, je sais pourquoi je suis là.

Le récit de Rokhaya de Bignona

“J’aimais vraiment l’école. J’ai arrêté mes études en classe de 5ème au collège car, je suis tombée enceinte. Je n’avais que 16 ans. Je voulais continuer mais mon oncle paternel m’a poussé à abandonner l’école, il disait que je ne pouvais plus rester dans sa maison avec ma grossesse. Il m’a amené chez le père de l’enfant où je suis restée jusqu’à mon accouchement. Ma maman était contre cette décision mais elle n’y pouvait rien car depuis son divorce avec mon père, elle m’avait confié à mon oncle. Pendant tout ce moment de grossesse, c’est ma maman qui me prenait en charge car mon mari n’avait pas les moyens. Après mon accouchement, je suis retournée chez mon oncle qui a officialisé mon mariage avec le père de mon enfant. Je peux dire que ce mariage m’a été imposé, car je n’étais pas prête à me marier. Ce que je voulais c’était de continuer les études. Je disais à mon oncle que la grossesse était une erreur mais il ne m’a pas cru. C’est comme ça que je me suis mariée et que j’ai quitté l’école définitivement.”

Quels sont vos combats d’avenir ?

J’aimerais aider ceux qui manquent de moyens pour subvenir à leurs besoins en créant de l’emploi. Les industries sont insuffisantes au Sénégal et ce problème de chômage pousse trop de jeunes à risquer leur vie dans des migrations dangereuses. J’ai perdu un de mes cousins comme cela. Il est partie au Maroc et on n’a jamais retrouvé son corps ; beaucoup de jeunes veulent partir mais le pays ne peut pas marcher sans eux.

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Beaucoup de jeunes veulent partir mais le pays ne peut pas marcher sans eux.

– Safy Diedhiou

Photos Issa Kandé © Atelier d’écriture à Ziguinchor

Pour aller plus loin

L’émigration internationale se caractérise principalement par des flux dirigés vers l’Afrique de l’Ouest (Mauritanie, Gambie, Côte d’Ivoire, Mali), l’Afrique Centrale (Gabon, Congo) et l’Afrique du Nord (Maroc) et des flux orientés vers les pays industrialisés de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Les flux d’émigration en provenance du Sénégal vers les pays de l’OCDE ont fortement augmenté depuis le début des années 2000, passant de 9 700 entrées annuelles en 2000 à près de 20 000 en 2010 et à 23 500 en 2019. L’Espagne, suivie de l’Italie et de la France sont les trois premiers pays de destination de l’OCDE des ressortissants sénégalais. Les intentions d’émigrer sont particulièrement élevées parmi les jeunes (52 %) et les chômeurs (50 %). Selon l‘ONG Caminando Fronteras, plus de 11 000 personnes ont péri entre 2018 et 2022 dans leur tentative de gagner l’Espagne depuis le continent africain. Soit six par jour.

Sources : rapport OCDE, rapport Caminando Fronteras

99 Women Senegal 

News January – February 2023

The writing phase (Phase 2) of the project is complete!

After collecting testimonials from 70 rural women entrepreneurs supported by Entrepreneurs du Monde in Senegal (Phase 1), groups of women from the cities of Ziguinchor and Dakar transformed these stories into theatrical monologues.

The project 99 WOMEN SENEGAL was born from the collaboration of two associations ENTREPRENEURS DU MONDE and THE 99 PROJECT, both supporting  women empowerment from different perspectives. It is an original program combining  art creation and entrepreneurship to make visible the rural women entrepreneurs supported by Entrepreneurs du Monde in Senegal.

The project has received support from Axa Senegal and the Anber Foundation.

Feedback

Safy Diedhiou led four writing workshops with young women, students of the University of Ziguinchor. She answered our questions.

Hello Safy, could you tell us about yourself?

I am a business law student in Ziguinchor. My lawyer father is at the origin of my orientation but my arrival in Ziguinchor was dictated by Senegal’s desire to mix and decentralize students from different regions of the country. At first I was not thrilled to land in Ziguinchor. But I found a warm welcome there and also a cheaper life and easier transportation than in Dakar. My departure for Casamance also allowed me to get closer to my grandparents (my family is from Kagnobon) and Diola, my mother tongue, obviously facilitated my integration. I have many interests but I particularly like taekwondo and cinema. I am the president of the university cinema club and I organize screenings, debates with directors but also short film shootings ; a film that meant a lot to me is Le Mandat by Senegalese director Oussemane Sembene.

Safy

How did you hear about the 99 FEMMES SENEGAL project? What do you take away from your experience?

I heard about The 99 Project from the movie club. I facilitated the writing group and also wrote monologues; this experience gave us the opportunity to get to know each other through writing, to work in symbiosis, in love really. I thus discovered the other participants of the workshop through their writings and I understood them better. I’m also very proud that we managed to do this writing work on our own, which we didn’t know about at the start. I found it beautiful to work together.

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Today, women are aware of their value and nothing can stop them. I recognize myself in their bravery, determination and hard work. Like them, I know why I am here.

– Safy Diedhiou

Is there a story that struck you?

The testimonial of Rokhaya from Bignona really struck me. She expresses her regret at leaving school after becoming pregnant at 16 under pressure from her uncle. This showed me the very important role of parents in the destiny of girls. I measure how things have been different for me. I was lucky to have a father who accompanied me in all my activities. I was educated. I was not forced, I was able to take responsibility. In the past, women did not have the courage to defy social norms. Today, this has changed: women know their value and nothing can stop them. I recognize myself in their bravery, determination and hard work. Like them, I know why I am here.

The story of Rokhaya de Bignona

“I really liked school. I stopped my studies in 5th grade in college because I got pregnant. I was only 16. I wanted to continue but my paternal uncle pushed me to give up. school, he said that I could no longer stay in his house with my pregnancy. He took me to the father of the child where I stayed until I gave birth. My mother was against this decision but she did not There was nothing she could do because since her divorce from my father, she had entrusted me to my uncle. During all this moment of pregnancy, it was my mother who took care of me because my husband did not have the means. , I went back to my uncle who formalized my marriage with the father of my child. I can say that this marriage was imposed on me, because I was not ready to get married. What I wanted was to study. I told my uncle that the pregnancy was a mistake but he didn’t believe me. That’s how I got married and left school permanently.”

What are your future fights?

I would like to help those who lack the means to support themselves by creating employment. Industries are insufficient in Senegal and the problem of unemployment pushes too many young people to risk their lives in dangerous migrations. I lost one of my cousins like that. He went to Morocco and we never found his body; many young people want to leave but the country cannot work without them.

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Many young people want to leave but the country cannot work without them.

– Safy Diedhiou

More information

International emigration is mainly characterized by flows directed towards West Africa (Mauritania, Gambia, Ivory Coast, Mali), Central Africa (Gabon, Congo) and North Africa (Morocco). and flows directed towards the industrialized countries of Europe and North America. Emigration flows from Senegal to OECD countries have increased sharply since the early 2000s, rising from 9,700 annual entries in 2000 to nearly 20,000 in 2010 and 23,500 in 2019. Spain, followed by Italy and France are the top three destination countries in the OECD for Senegalese nationals. Intentions to emigrate are particularly high among young people (52%) and the unemployed (50%). According to the NGO Caminando Fronteras, more than 11,000 people died between 2018 and 2022 in their attempt to reach Spain from the African continent. That’s six a day.

Sources (French) : rapport OCDE, rapport Caminando Fronteras

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