99 Femmes Maroc, 1 an après

Un an plus tard, plongeons-nous dans les derniers développements du projet 99 Femmes ! J’ai discuté avec Karine Benabadji, la directrice d’OPEN VILLAGE, afin de faire le point sur les actions concrètes déployées sur le terrain pour nourrir l’élan impulsé par 99 Femmes Maroc.

Fruit de la collaboration de deux associations OPEN VILLAGE et THE 99 PROJECT, le projet 99 Femmes Maroc a voulu faire connaître et reconnaître la place des femmes dans le monde rural marocain et ainsi accompagner leur autonomisation sociale, culturelle et économique. Pendant un an, de juillet 2021 à juillet 2022, près de deux cents femmes, rurales et citadines, ont travaillé ensemble pour créer une pièce de théâtre qui raconte la vie des femmes rurales et organiser des festivals communautaires dans neuf villages du Maroc.

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Portraits et carnet de route

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Geneviève Flaven (The 99 Project): Dès juillet 2022, tu as mis en place de nombreuses activités avec les femmes du monde rural pour les accompagner sur leur chemin d’autonomisation. Pourrais-tu nous en dire plus?

Karine Benabadji (Open Village) : La principale action que nous avons mise en place est d’organiser chaque trimestre des formations thématiques à Marrakech pour les femmes des villages participants au projet 99 Femmes. A chaque session, une douzaine de femmes, toujours différentes, prennent la route depuis leurs villages et retrouvent à Marrakech pour trois jours d’activités. La première journée est dédiée à l’apprentissage des savoir-faire artisanaux. Ces femmes possèdent des savoir-faire traditionnels tels que la fabrication de gâteaux, le tissage de la laine ou la teinture végétale, mais parfois certaines de ces connaissances ancestrales tendent à disparaitre. Au cours de cette journée, des professionnelles en pâtisserie, plantes tinctoriales ou autres expertises viennent leur montrer comment maîtriser les techniques traditionnelles mais surtout les aider à valoriser davantage leurs savoir-faire.

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Des professionnelles en pâtisserie, plantes tinctoriales ou autres expertises viennent montrer aux femmes comment maîtriser les techniques traditionnelles mais surtout les aider à valoriser davantage leurs savoir-faire.

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Atelier de teintures végétales

En effet, éloignées des centres urbains où se trouvent la plupart de leurs débouchés commerciaux, les femmes sont peu familières des codes qui définissent l’excellence d’un produit comme par exemple, l’importance de l’emballage ou la qualité des ingrédients. On leur donne ces éléments de connaissance mais aussi d’autres notions comme le calcul du prix de revient. Lors de la deuxième journée, elles partent à la rencontre des femmes issues du monde rural comme elles mais qui sont actives en ville : un réseau d’artisanes, une coopérative de femmes ou une association de mères célibataires. Ces femmes remarquables sont une source d’inspiration pour elles et leur donnent la volonté de s’en sortir. Enfin, le troisième jour, elles sont mises en situation dans un espace éphémère appelé “petit souk”, où elles vendent leurs produits et découvrent un peu plus les attentes de la clientèle urbaine. Cette expérience consolide leurs connaissances et leur donne confiance. Une fois retournées chez elles, elles ont pour mission de transmettre ce qu’elles ont appris à d’autres femmes. L’efficacité de ces journées repose sur trois éléments clés : pour s’émanciper, les femmes ont besoin d’être ensemble (sororité), de s’inspirer de femmes qui leur ressemblent et qui sont passées à l’action (exemplarité) et enfin de mettre en pratique leurs connaissances.

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Pour s’émanciper, les femmes ont besoin de sororité, d’exemplarité et de mise en pratique.

De g. à d.: vente au petit souk, rencontre avec la clientèle

G.F: Et dans les villes, quelles initiatives ont été prises pour toucher un public urbain?

K.B : Nous avons poursuivi la coopération avec des centres culturels des grandes villes que nous avions initiée en 2021 en y organisant des ateliers d’écriture avec des jeunes femmes urbaines. Cette année, la troupe de théâtre amateur du célèbre Centre Culturel Les Étoiles de Jemâa El Fna à Marrakech fondé par Mahi Binebine a repris la pièce “99 femmes” et la jouera à plusieurs reprises à partir du mois de juillet, permettant ainsi d’atteindre un public urbain. Des personnalités de la société civile comme Ghita Lahlou et l’association « Les citoyens » qui ont soutenu le projet depuis le début seront aux premières loges.

Grâce au projet “99 femmes Maroc”, Open Village a gagné en visibilité dans les sphères institutionnelle, académique et économique. Nous sommes devenus la référence terrain pour de nombreuses organisations travaillant à l’autonomisation des femmes rurales. Je suis souvent invitée à témoigner et à collaborer avec des institutions, telles que la Banque Centrale du Maroc, des Fondations qui œuvrent dans le domaine de l’éducation financière ou encore la coopération allemande, la GIZ, très active sur le terrain.

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Grâce à 99 femmes Maroc, Open Village a gagné en visibilité dans les sphères institutionnelle, académique et économique. Nous sommes devenus la référence terrain pour de nombreuses organisations travaillant à l’autonomisation des femmes rurales

Le centre Les Etoiles  Jemaâ El Fna (g) – Karine Benabadji présentant les actions d’Open Village(d)

G.F: Est-ce que de nouveaux festivals communautaires IFALAN sont prévus dans les villages cette année?

K.B : A Tizi, village berbère du Haut Atlas à 60 km de Marrakech, une deuxième édition du festival communautaire IFALAN se tiendra les 8 et 9 juillet prochains. Le programme est très varié, avec des intervenants de très grande qualité. Les activités s’adressent aussi bien aux femmes, qu’aux jeunes et aux enfants ; il y aura des ateliers de calligraphie, de teinture naturelle, ainsi qu’une activité d’observation du ciel étoilé en partenariat avec l’association Atlas Dark Sky, projet de la première réserve de ciel étoilé en Afrique du Nord afin de sensibiliser la population aux effets de la pollution lumineuse. Et bien sûr la pièce 99 Femmes jouée par la troupe du Centre Les Etoiles. Comme l’année dernière, le but de cet événement est de valoriser le rôle des femmes au sein de la communauté et de mettre en avant le patrimoine culturel du village et sa transmission. Un reportage de 6 minutes sur ces deux jours de festivités sera réalisé. Dans les autres villages, la seconde édition du festival IFALAN se fera au fur et à mesure de la demande des villages en fonction des motivations et des objectifs de chacun. Le festival IFALAN suivant sera à Tata entre le 20 et le 22 Octobre 2023.

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La seconde édition du Festival IFALAN poursuit le même but : valoriser le rôle des femmes au sein de la communauté et de mettre en avant le patrimoine culturel du village et sa transmission.

Le chant des femmes de Tizi  et l’affiche de la seconde édition du Festival IFALAN à Tizi N’Oucheg

Réservez vos places pour le festival de Tizi les 8 et 9 juillet 2023 en contactant Open Village par téléphone ou par e-mail.
contact@open-village.org
+ 212 (0)6 61 24 02 25

G.F: Le temps est donc une variable important pour qu’une initiative prenne de l’ampleur et opère des changements en profondeur.

K.B : Tout à fait. A Tizi, cela a pu se faire dès cette année car je connais et côtoie les habitants depuis longtemps. Le leader de la communauté, mon ami Rachid Mandili, qui a fait de ce petit village de montagne, un véritable laboratoire des communautés émergentes du Maroc joue aussi un rôle crucial. Selon Rachid, il faut même attendre la troisième édition du festival IFALAN que les femmes deviennent autonomes dans son organisation. Dans le monde rural, les changements prennent du temps. Le premier pas est de comprendre la nouveauté qui se présente, puis il faut bouturer le changement, c’est-à-dire l’inscrire dans son environnement familier pour qu’il s’y déploie. Cela est possible grâce à la présence d’un catalyseur territorial, c’est-à-dire une personne capable de relier les villages aux réalités extérieures la ville, le marché économique, les technologies…Sans la présence de catalyseurs territoriaux, une émergence ne peut pas se déployer !

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Sans la présence de catalyseurs territoriaux, c’est-à-dire des personnes capables de relier les villages aux réalités extérieures la ville, le marché économique, les technologies…une émergence ne peut pas se déployer !

99 femmes Maroc a été une étincelle formidable. Parmi les femmes de mon village, Sanaa a pris la gestion d’une petite école maternelle, Yousra est devenu auto-entrepreneuse et d’autres encore ont saisi des opportunités. Mais si ces femmes sont passées à l’action c’est aussi parce que je joue pour elle le rôle de catalyseur en m’intéressant à elles et en suivant leurs parcours de manière informelle.

Propos recueillis et édités par GF

99 Women Morocco, 1 year later

One year later, let’s dive into the latest developments of the  project 99 Women! I spoke with Karine Benabadji, the director of OPEN VILLAGE, to take stock of the concrete actions deployed on the ground to feed the momentum generated by 99 Women Morocco. 

A result of the collaboration of two associations OPEN VILLAGE and THE 99 PROJECT, the project 99 Women Morocco wanted to make known and recognize the place of women in the Moroccan rural world and thus support their social, cultural and economic empowerment. For a year, from July 2021 to July 2022, nearly two hundred women, rural and urban, worked together to create a play that tells the life of rural women and organize community festivals in nine villages in Morocco.

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Geneviève Flaven (The 99 Project): As of July 2022, you have set up many activities with rural women to support their path to empowerment. Could you tell us more?

Karine Benabadji (Open Village) : The main action we have put in place is to organize thematic training courses in Marrakech every quarter for women from the villages participating in the project. At each session, a dozen women, always different, take the road from their villages and end up in Marrakech for three days of activities. The first day is dedicated to learning craftsmanship. These women have traditional know-how such as making cakes, weaving wool or vegetable dyeing, but sometimes some of this ancestral knowledge tends to disappear. During this day, professionals in pastry, tinctorial plants or other areas of expertise come to show them how to master traditional techniques but above all help them to further enhance their know-how.

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Pastry experts, tinctorial plants or craftmanship come to show women how to master traditional techniques but above all help them to further enhance their know-how.

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Plant-based dye workshop

Indeed, far from urban centers where most of their commercial outlets are located, women are unfamiliar with the codes that define the excellence of a product, such as the importance of packaging or the quality of ingredients. They received these elements of knowledge but also other notions such as the calculation of the cost price. On the second day, they meet women from rural areas like them but who are active in the city: a network of craftswomen, a women’s cooperative or an association of single mothers. These remarkable women are a source of inspiration for them and give them the will to get by. Finally, on the third day, they are placed in a situation in an ephemeral space called “little souk”, where they sell their products and discover a little more about the expectations of urban customers. This experience consolidates their knowledge and gives them confidence. Once they return home, their mission is to pass on what they have learned to other women. The effectiveness of these days is based on three key elements: to emancipate themselves, women need to be together (sorority), to be inspired by women who look like them and who have taken action (exemplarity) and finally put their knowledge into practice.

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To emancipate, women need sorority, exemplarity and put things into practise.

From left to r.: sale in the small souk, meeting with customers

G.F: And in the cities, what initiatives have been taken to reach an urban audience?

K.B : We continued the cooperation with cultural centers in major cities that we initiated in 2021 by organizing writing workshops there with young urban women. This year, the amateur theater troupe from the famous Center Culturel Les Étoiles de Jemâa El Fna in Marrakech, founded by Mahi Binebine, took over the play “99 women” and will perform it several times from July, thus making it possible to reach an urban audience. Civil society figures such as Ghita Lahlou and the association “The Citizens” who have supported the project from the start will be at the forefront.

Thanks to 99 women Morocco, Open Village has gained visibility in the institutional, academic and economic spheres. We have become the field reference for many organizations working to empower rural women. I am often invited to testify and collaborate with institutions, such as the Central Bank of Morocco, foundations that work in the field of financial education or even the German cooperation, GIZ, which is very active in the field.

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Open Village has gained visibility in the institutional, academic and economic spheres. We have become the field reference for many organizations working to empower rural women

Center Les Etoiles Jemaâ El Fna (left) – Karine Benabadji presenting the actions of Open Village (right)

G.F: Are new IFALAN community festivals planned in the villages this year?

K.B : In Tizi, a Berber village in the High Atlas 60 km from Marrakech, a second edition of the IFALAN community festival will be held on July 8 and 9. The program is varied, with speakers of very high quality. The activities are meant for  women as well as young people and children; there will be calligraphy workshops, natural dyeing, as well as a starry sky observation activity in partnership with the association Atlas Dark Sky  – the first starry sky reserve in North Africa – to raise awareness among the population to the effects of light pollution. And of course the play 99 Women performed by the Center Les Etoiles troupe. Like last year, the aim of this event is to promote the role of women in the community and to highlight the cultural heritage of the village and its transmission. A 6-minute report on these two days of festivities will be produced. In the other villages, the second edition of the IFALAN festival will take place according to the demand from the villages according to the motivations and objectives of each. The next IFALAN festival will be in Tata between October 20-22, 2023.

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The second edition of the IFALAN Festival pursues the same goal: to promote the role of women within the community and to highlight the cultural heritage of the village and its transmission.

The song of the women of Tizi and the poster for the second edition of the IFALAN Festival in Tizi N’Oucheg

Book your tickets for the Tizi IFALAN festival on July 8 and 9, 2023 by contacting Open Village by phone or e-mail.
contact@open-village.org
+ 212 (0)6 61 24 02 25

G.F: Time is therefore an important variable for an initiative to gain momentum and lead to in-depth changes.

K.B : Absolutely. In Tizi, this could be done this year because I have known and rubbed shoulders with the inhabitants for a long time. The leader of the community, my friend Rachid Mandili, who has made this small mountain village a incredible laboratory for emerging communities in Morocco also plays a crucial role. According to Rachid, it is even necessary to wait for the third edition of the IFALAN festival that women become autonomous in its organization. In the rural world, changes take time. The first step is to understand the novelty, then you have to root the change which means to integrate it in its familiar environment so that it can flourish. This is possible thanks to the presence of a territorial catalyst, that is to say a person capable of linking the villages to external realities the city, the economic market, technologies… Without the presence of territorial catalysts, an emergence cannot deploy!

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Without the presence of territorial catalysts, i.e. people capable of connecting the villages to external realities such as the city, the economic market, technologies… an emergence cannot unfold!

99 women Morocco was a tremendous spark. Among the women in my village, Sanaa has taken on the management of a small kindergarten, Yousra has become self-employed and still others have seized opportunities. But if these women have taken action, it is also because I play the role of catalyst for them by showing an interest and following their journey in an informal way.

Soap workshop and women music band

Interviewed and edited by GF

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